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L'histoire de
Saint Vincent Ferrier
(Valence, 1350-5 avril 1419, Vannes)
Canonisation : 29 juin 1455 par Calixte III
Fête liturgique : 5 avril
Attributs iconographiques : trompette, flamme de l’Esprit Saint, Christ du Jugement assis sur un arc-en-ciel, feu du jugement, livre ouvert, index levé, jeune enfant tenant une broche de cheminée
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Vincent Ferrier (en valencien Sant Vicent Ferrer) est un prêtre de l'ordre dominicain, né le 23 janvier 1350 près de Valence (Couronne d'Aragon) et mort le 5 avril 1419 à Vannes (Bretagne) qui est resté célèbre pour ses prédications publiques et ses conversions de Juifs et de Maures.
Vincent Ferrier naît à Valence en Espagne en 1350, entre dans le couvent de sa ville natale en 1367. Conformément à sa vocation de frère prêcheur, il se consacre tout entier, avec détermination et une rare éloquence, à la prédication, non seulement en Espagne, mais aussi sur les routes de France, d’Italie, de Suisse et d’Ecosse, suscitant quantité de disciples jusqu’à sa mort à Vannes en 1419.
En Espagne, de 1385 à 1394, dans le climat farouche de la Reconquista, sa prédication aux Juifs révèle les erreurs d’une nation qui cherche à se construire autour d’une identité exclusive. Sa position face au Judaïsme est foncièrement problématique, avec un souci tenace de convertir les Juifs. Cependant, il met tout en œuvre pour éviter les massacres qui se multiplient en Espagne. Dans un sermon qu’il prêche à Valence, il affirme que ‘les apôtres qui ont conquis le monde ne portaient ni lances ni couteaux. Ainsi ceux qui mènent des émeutes contre les Juifs, les font contre Dieu même, car les Juifs doivent venir d’eux-mêmes au Baptême et nullement par la force’.
Face au Grand Schisme son attitude est exemplaire. Conseiller, confesseur et directeur du pape Benoit XIII, Vincent Ferrier prend d’emblée le parti des papes d’Avignon et rejette le pape Urbain VI qui, défendu par Raymond de Capoue et Catherine de Sienne, siège à Rome. Cependant, soucieux de préserver l’unité dans l’Église, il se résigne à abandonner la cause de Benoit XIII pour reconnaître finalement la légitimité du pape romain Boniface IX. Son Traité sur le schisme lui permet d’ailleurs de retraduire sur le plan ecclésiologique ce qu’il développe de manière plus théorique dans ses Questions solennelles sur l’unité de l’universel.
En 1398, Vincent Ferrier quitte Avignon pour se consacrer à la prédication. Suite à une vision, il s’estime investi d’une mission d’évangélisation en qualité de légat a latere Christi. Il pérégrine alors pour prêcher au plus grand nombre la réforme des mœurs, de l’Église et de la société, s’imposant comme l’Apôtre du Jugement dernier qui, sans cesse invite tout un chacun à la conversion. Accompagné d’une troupe de disciples, clercs et laïcs, il se rend successivement en Savoie, dans le Piémont, puis en Catalogne et en Castille, avant de rejoindre la Bretagne.
Dans une lettre qu’il adresse, le 17 novembre 1403, à Jean de Puynoix, Maître de l’Ordre, il déplore l’ignorance et le désarroi spirituel de ceux qu’il rencontre sur son chemin dans le Dauphiné, alors que ‘les prélats et tous ceux qui par office, sont obligés de prêcher ! hélas ! préfèrent demeurer dans les grandes villes où ils ont de beaux appartements avec tous leurs aises’. Sa prédication enflammée, aux accents d’apocalypse, séduit et provoque tout à la fois l’effroi et l’enthousiasme. ‘En voyant les œuvres saintes qui s’accomplissaient alors, ou les conversions frappantes qui se multipliaient, déclare un maître en théologie témoin de sa prédication à Toulouse, il me semblait observer avec émerveillement que Dieu avait créé un monde nouveau’.
Souvent présenté comme un prédicateur du Jugement de Dieu, saint Vincent Ferrier est communément appelé ‘l’Ange du Jugement dernier’ dans la liturgie dominicaine, et représenté comme tel par les artistes, avec de grandes ailes déployées, le front enflammé et la trompette du jugement prête à sonner. Parfois, il désigne tout simplement le Christ du Jugement dernier, trônant sur un arc en ciel conformément à la vision rapportée par l’Apocalypse de saint Jean (Ap 4, 3[1]). »
Le 11 septembre 1637, eut lieu à Vannes la translation des reliques de saint Vincent, du lieu où il avait été enterré à la cathédrale. Il est probable que l’événement engendra la création de nouvelles images.
[1] Rémy CASIN ; Rémy VALLÉJO, Dominicains 1216-1516. Lumières médiévales de la prédication aux cathares à la défense des indiens, Paris ; Strasbourg, Le Cerf ; Éd. du Centre Emmanuel Mounier, 2016, p. 130.
[2] Voir, par exemple, Bernard GUYARD, op. cit., p. 149-155 ; Jean GIFFRE DE RECHAC, op. cit., p. 721-722. Voir, sur ce récit et ses variantes, Laura ACKERMAN SMOLLER, The Saint and the Chopped-up Baby. The Cult of Vincent Ferrer in Medieval an Early Modern Europe, Ithaca (N. Y.) ; London, Corneil University Press, 2014.